Après un retour dans mon Loir-et-Cher natal, je pars à la recherche de vignes à reprendre. En juin, je rencontre un vigneron qui part à la retraite et tombe amoureuse du domaine.
Je m'installe officiellement en tant que vigneronne sur 14 ha et crée L'Affût.
Je commercialise mes premières cuvées et suis sélectionnée par le Meilleur Sommelier du Monde 2000 pour participer à un événement prestigieux, la Paulée des Vins de Loire, où mon vin accompagne un menu créé par le chef triplement étoilé Pierre Gagnaire.
J'ai grandi dans un petit village du Loir-et-Cher où ma famille travaillait dans le secteur du bois depuis le XVIIIème siècle. Amoureuse de la nature, j'ai moi-même commencé par des études forestières et je suis finalement venue au vin par la barrique, à l’occasion d’une dégustation avec mon père d’un même vin élevé en fûts issus de différentes forêts. J’ai découvert que le vin, peut-être encore plus que le bois, était un produit noble et vivant qui mobilisait les cinq sens et était vecteur de rencontres, de voyages, de culture.
J’ai donc poursuivi des études d'ingénieur agronome spécialisée en viticulture et d'œnologie à Paris et à Montpellier. J'ai ensuite travaillé pendant près de 10 ans dans le monde du vin, dans le sud de la France et à l'étranger, parfois dans de grandes entreprises. Mais je n'étais toujours qu'un maillon de la chaîne et devais souvent produire les vins qu'on me demandait de faire. Et puis le vert des forêts que j'arpentais petite avec mon grand-père me manquait. Alors quand mon fils est né, la veille des vendanges 2016, ce que j'osais à peine envisager est devenu une évidence : j'allais revenir dans mon Loir-et-Cher natal pour jouer ma propre partition et tenter de maintenir le vignoble local vivant.
Mes diplômes en poche, je suis partie vinifier en Inde en 2007 afin de découvrir un pays où le secteur était en construction et où tout était à faire. À mon retour, je suis repartie de la base en tant qu’ouvrière viticole et ouvrière de chai dans un domaine réputé de l’AOC Côte-Rôtie afin de gagner en savoir-faire de terrain. J’ai ensuite travaillé 4 ans au sein du groupe AdVini, 3ème acteur viticole français, à Châteauneuf-du-Pape puis dans le Languedoc, où j’ai pu exercer des fonctions techniques, mais aussi managériales et marketing. Enfin, ma dernière expérience avant mon retour en Loir-et-Cher fut dans une très grosse structure coopérative de l’Aude où j’avais à la fois le rôle d’œnologue, responsable de la production de 300 000 hl de vin sur 5 sites de vinification, et un rôle d’ambassadrice sur les marchés export.
Ces 10 ans d’expérience en tant que salariée de la filière viticole m’ont menée vers des pays, des régions, des structures et des postes très différents. Ils m’ont permis d’acquérir des compétences en matière de viticulture, de vinification, d’assemblage, de management d’équipe, de communication et de commercialisation, aussi bien en France qu’à l’étranger. Or être vigneronne, c’est exercer tous ces métiers à la fois ! J’étais donc parée pour l’aventure. Une fois la décision prise de quitter mon travail pour revenir en Loir-et-Cher, il fallait désormais trouver les vignes où m’installer. Une chose était sûre, ce serait sur le terroir de Sologne viticole qui m’avait vue grandir.
Après de longs mois de recherche, de prospection, de rencontres, j'ai fait la connaissance d'un vigneron qui partait à la retraite et avait à cœur de permettre à un(e) jeune de s'installer. S’est alors engagé le parcours du combattant de l'installation : stages, formations, réflexion stratégique, chiffrage du projet, recherche de financements, démarches administratives… Une fois toutes ces étapes franchies, un stage de vinification chez un futur collègue renommé du coin m’a permis de me refaire un référentiel local et me voici donc vigneronne depuis 2018, installée sur 14 ha en appellation Touraine!
Le vignoble de 14 ha est installé sur un dôme de sables sur argiles à Sassay (41), en Sologne viticole. Ce paysage de transition entre les vallées de la Loire et du Cher, climatiquement marqué par la présence de la forêt, confère une grande finesse aux vins qui y naissent. S’y épanouissent majoritairement des cépages blancs (sauvignon, chardonnay, menu pineau, chenin) et quelques rouges (gamay, cabernet sauvignon, côt, pinot noir), dont les raisins sont vinifiés et mis en bouteilles sur place.
J’ai fonctionné seule avec des saisonniers la première année, avant de détecter du potentiel et une réelle envie chez l’un d’eux et de l’embaucher début 2019. Nous sommes donc une petite équipe de 2 personnes, complétée par quelques saisonniers pour la taille, les travaux en vert et les vendanges.
Je n’ai repris ni stock, ni marque, ni clientèle ; tout était à créer. C’est pourquoi, partant de zéro au niveau commercial, j’ai préféré produire peu de bouteilles (9000) la première année, le temps de développer un réseau, le reste étant vendu en raisins à un vigneron voisin ou en vrac au négoce. Je suis donc partie au printemps 2019 prospecter une clientèle professionnelle (principalement des cavistes et des restaurateurs, locaux ou non), tout en vendant également en direct aux particuliers. Après seulement quelques mois, mes vins sont implantés sur Paris, la Région Centre, le grand ouest, et également au Japon et en Belgique.
- Un lieu paisible, où chantent plus de 35 espèces d’oiseaux, et la beauté des paysages ;
- Une démarche environnementale basée sur les principes de l’agriculture biologique (conversion en cours), de la biodynamie, de l’agriculture de conservation des sols et de l’agroforesterie, afin de préserver la qualité de l’eau, de l’air, du sol, de la biodiversité et des paysages ;
- Le projet de replantation de cépages autochtones, en voie de raréfaction, tels que le menu pineau, le romorantin, le fié gris, le pineau d’aunis, afin de maintenir également l’ « ampélodiversité » régionale.
Au vignoble, ma philosophie est de tirer parti du meilleur de la tradition, tout en implémentant de nouvelles pratiques validées par les études des chercheurs et les essais des instituts techniques. Par exemple, pour l’entretien des sols et le désherbage mécanique des parcelles, cohabitent sur le domaine le cheval, capable de faire du sur-mesure sur une très vieille parcelle sans tasser les sols, et des outils de travail du sol récents, permettant de remuer la terre sans la déplacer, le tout sans aller en profondeur pour ne pas casser trop de racines.
En vinification, il en va de même avec l’usage traditionnel du bois (barriques et cuve tronconique) et l’introduction de contenants en terre cuite, encore plus ancienne mais revisitée de manière contemporaine, pour la vinification et l’élevage des vins dans le respect du fruit. Le style des vins qui en résultent sort un peu des standards locaux, pour le plus grand plaisir des amateurs « épicurieux ».
En termes de communication, la balance penche nettement du côté de l’innovation, en cassant les codes traditionnels des étiquettes de vin et en faisant usage des réseaux sociaux et des nouveaux moyens de prescription.
Le respect des sols permet à la vigne une meilleure prospection racinaire et donc un lien plus fort au terroir. Une vinification la moins interventionniste possible, sans intrants de synthèse, offre quant à elle des vins qui expriment réellement le potentiel de ce terroir. C’est particulièrement vrai sur les 38 ares de gamay plus que centenaire puisqu'ils ont été plantés en 1894, ce qui en fait le plus vieux gamay du Loir-et-Cher !
